Nous voilà en train de recouvrer – ou presque – un droit essentiel : Circuler.
Resté au stade de merveilleux souvenir 4 mois durant, le réapprentissage de la « liberté » s’accompagne bien malheureusement du constat que l’économie et ses agents n’ont pas été eux immobiles.
Plus 45 Mds dh de cash sorti des banques pour un stock actuel de c. 290 Mds dh en circulation !!!! Soit près du tiers du total des dépôts bancaires (c. 950 Mds dh).
C’est plus que ce qui a été versé dans le fonds Covid (c. 35 Mds dh)
La crise de confiance n’est pas juste là, présente, indiscutable, elle est à la fois sévère etinédite.
Nous ne sommes pas des politiques et notre propos se limitera à la dimension économique qui certes rejoint un souci social sans lequel rien ne sera possible à moyen et long terme.
Soit dit en passant, nos responsables économiques et financiers, ont été tout simplement remarquables. Ils ont fait preuve de courage, d’innovation et de célérité dans un environnement de forte incertitude. Les décisions du Comité de Veille Stratégique, aussi perfectibles que pourraient le dire le club des jamais contents, ont permis de préserver la base et le coeur de notre économie ainsi que le contrat social de notre pays.
Bref.
Nous le martelons immanquablement depuis le début de cette crise (cf. posts H2dev précédents), nous sommes ou serons à plus ou moins brève échéance dans une crise des Fonds Propres. Cette crise des Fonds Propres s’accommode très très mal avec une crise de
confiance.
Les crédits classiques bonifiés ou non vont clairement et vite atteindre leurs limites.
Les injections gouvernementales aussi.
A titre de comparaison, les interventions de l’état allemand pour traiter le sujet Covid à date atteignent 24% du PIB contre 12% en France et chez nous à peine 5% à fin juin (35 Mds dh de Fonds Covid et 13,8 Mds dh de prêts Daman Oxygène…). Peut-être que la loi de finance
rectificative viendra compléter le dispositif…
Dans un environnement déjà vacillant avant la crise Covid où notre économie souffrait d’un manque de croissance, où les marchés de capitaux ne sont pas optimisés et où l’endettement de secteurs fondamentaux pour notre économie (immobilier, tourisme, transport…) frôlait la catastrophe il va falloir se méfier de l’effet de massue.
Il faut regarder de près ce qui a été fait par les banques pour les opérateurs immobiliers par tous les stake holders c’est un bon exemple Cela doit servir de référence.
Et maintenant ?
Parmi les outils potentiels cités pour demain, il y a l’idée que l’Etat mette en place un fonds d’investissement qui permettrait de consolider les fonds propres des entreprises. Cette idée, très courageuse, pourrait s’avérer particulièrement pertinente si elle est conceptualisée et
structurée correctement.
L’état ne pourra se substituer aux actionnaires à ce stade car le risque est en effet grand d’aboutir immanquablement à une nationalisation de fait d’une grande partie de l’économie.
Je pense que les Allemands (encore !) ont donné le ton avec leurs prêts transformables en
action en cas de défaillance.
Quelle différence me direz-vous ?
Elle est pourtant grande car on laisse le contrôle aux actionnaires et un partage de responsabilité clair entre stake holders.
Alors entre capital et dettes que peut-il bien rester ? Les quasi fonds propres et en particulier la dette dite Mezzanine.
La mezzanine est un produit hybride entre la dette et les fonds propres et qui permet de (i) financer une entreprise sans prise de participation dans son capital mais avec (ii) un financement long terme permettant d’alléger la pression sur sa trésorerie (iii) et un
accompagnement stratégique avec des prérogatives claires de l’équipe de gestion du fonds qui participe ainsi aux décisions stratégiques des entreprises.
C’est ce dernier point qui est essentiel !
L’outil mezzanine n’est pas encore développé au Maroc, à peine quelques opérations ont été réalisées à date sous ce format et dont la grande majorité est portée par un fonds Sud-Africain. Si le gouvernement réussi à mettre en place un tel outil cela permettrait certainement de révolutionner l’approche et la pratique capitalistique du pays.
Cela permettrait (i) d’éviter la faillite de dizaines entreprises surendettées et sauver des milliers d’emplois, (ii) professionnaliser le management et la gestion d’entreprises en mettant en place des comités et des conseils structurés où de vrais débats stratégiques ont
lieu et enfin (iii) redynamiser un marché financier trop atone en préparant des pépites créatrices de valeur pour nos générations futures dans un monde où la bourse semble faillir à son rôle premier.
Néanmoins, pour réussir, ce fonds nécessite plusieurs prérequis :
– Si la participation des banques à son tour de table – à côté de celle de l’Etat – est souhaitable, de par leur proximité avec l’économie réelle, elles ne peuvent en être gestionnaires. La séparation des outils d’endettement et de mezzanine doit être réelle
pour que les managers et actionnaires y croient et éviter tout conflit d’intérêt
– Le rendement brut espéré de ce fonds devrait être de 15%. Ce range est assez haut pour le différencier de la dette mais bien plus bas que les espérances de rentabilité des fonds de mezzanine internationaux qui peuvent atteindre 25 voire 30% ce qui naturellement pourrait faire fuir les managers et actionnaires
– La gestion de cet outil doit être assumée par une équipe de gestion, expérimentée, indépendante et offrant une véritable valeur ajoutée. Celle-ci doit elle-même être responsable face aux actionnaires du fonds en soumettant notamment ses actions à des comités d’investissements où ses choix seront challengés en amont mais elle ne peut être influencée par les intérêts propres de ses actionnaires qui peuvent avoir des enjeux différents de ceux de la mission même du fonds
La mezzanine est structurée pour qu’elle puisse être remboursée à terme par un crédit classique, ce qui permet aux entreprises de préserver leur capital, mais en cas de problème, des mécanismes de conversion de la mezzanine en fonds propres permettent alors de sauver les entreprises les plus vulnérables et qui n’auraient pu alors survivre sont un vrai renforcement de leurs fonds propres.
L’économie et les entreprises marocaines ont certes besoin d’argent frais aujourd’hui mais ont également besoin d’hommes et de femmes qui vont prendre des décisions fortes, innovantes, courageuses et parfois douloureuses et décriées mais qui vont permettre de relancer l’économie du pays et construire le socle du développement pour les 20 ou 30 prochaines années. Nos dirigeants se doivent de leverager sur le savoir-faire, l’expérience, la maturité et la crédibilité que le pays a eus tant de mal à acquérir ces trois dernières décennies et se donner, comme avec le programme de privatisation des années 90-2000 les meilleures chances de réussir ce (formidable) challenge qui se pose à nous.
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